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IA & PME : SORTIR DU REFLEXE TECHNOLOGIQUE POUR ENTRER DANS LA STRATEGIE

ActualitésCapital Croissance | 25 novembre 2025

Alors que l’intelligence artificielle s’impose dans tous les secteurs, la question n’est plus de savoir si les PME doivent l’adopter, mais comment elles doivent le faire. Derrière l’enthousiasme ambiant, un constat s’impose : l’IA ne crée pas mécaniquement de la valeur. Elle amplifie, accélère… ou fragilise. Tout dépend du niveau de maturité de l’entreprise qui l’intègre.

Lors d’un événement organisé en novembre 2025 dans nos locaux par le Groupe Référence, Fabrice Fleury Managing Partner et Adeline Wattiau, Directrice de l’accompagnement, ont partagé leurs visions et analyses sur les transformations à l’œuvre et ruptures qui se dessinent aussi bien pour les PME que pour les sociétés de gestion.

L’écart se creuse entre entreprises “augmentées” et entreprises “immobiles”

Les entreprises nativement technologiques disposent d’un net avantage : des données déjà centralisées et de qualité, et une « culture produit » où tester, itérer et automatiser fait partie du quotidien. Elles utilisent l’IA comme un prolongement naturel de leurs processus et de leur culture produit. L’enjeu pour elles n’est plus l’adoption de l’IA mais sa maîtrise : éviter d’accumuler les outils, maintenir une cohérence technologique et s’assurer que ces briques renforcent la proposition de valeur plutôt qu’elles ne la diluent.

À l’inverse, les PME plus traditionnelles doivent parfois composer avec des ERP vieillissants, des fichiers Excel dispersés et une organisation où les réflexes digitaux sont récents. Elles découvrent le plus souvent un gisement de productivité insoupçonné. Paradoxalement, ce sont pourtant elles qui peuvent dégager les gains les plus importants : automatisation du back-office, qualification intelligente des demandes, optimisation des plannings, prévision… La valeur créée est immédiate, mesurable, et peut transformer durablement l’efficacité de l’entreprise.

Pour les investisseurs, il ne faut surtout pas sous-estimer ce potentiel de création de valeur. Les tech-native gagnent souvent un avantage compétitif structurel grâce à l’IA ; les PME traditionnelles, elles, gagnent en productivité et souvent en sérénité.

La maturité IA, nouveau critère de valorisation

Dans les discussions d’investissement, la question de la maturité IA prend désormais une place centrale. Toutes les PME ne sont pas prêtes à tirer parti de l’IA, et cela devient un marqueur de compétitivité.

La différence se repère très vite. Une entreprise réellement prête ne parle ni d’outils ni de modèles ; elle part de ses problèmes métiers, les délais, les marges ou encore le churn et dispose d’un minimum de données exploitables. L’entreprise qui “veut mettre de l’IA quelque part” révèle au contraire un manque de maturité. La maturité ne se mesure pas à la technologie utilisée, mais à la clarté du cas d’usage, à la capacité d’exécution, à l’appétit du management pour le changement, et à l’existence d’un portage interne (référent ou product owner).

Pour un investisseur, l’IA ne se valorise pas en tant que telle. Ce qui compte, c’est son impact sur l’Ebitda, la scalabilité et la compétitivité : capacité à réduire durablement les coûts, à accélérer la croissance sans multiplier les effectifs, ou à créer un avantage difficile à copier. L’IA est également un facteur de risque à considérer : elle abaisse les barrières à l’entrée et permet à des concurrents agiles de rattraper leur retard, voire de reproduire plus vite des produits existants. Cela peut mécaniquement affecter les multiples.

À l’inverse, les gadgets, comme l’ajout d’un simple chatbot, ne créent aucune valeur et peuvent même révéler une absence de vision structurée.

Les éditeurs de logiciels face à un choc de concurrence inédit

Longtemps protégés par leur expertise sectorielle et la complexité de leurs solutions, les éditeurs de logiciels voient leur avantage historique remis en cause.
Avec les nouveaux outils IA, coder devient plus simple et plus rapide, les barrières à l’entrée baissent considérablement et des acteurs agiles peuvent reconstruire des produits matures en quelques mois.

Dans de nombreuses niches, la question n’est plus de savoir si de nouveaux acteurs vont émerger, mais quand.

Les sociétés de services, grandes bénéficiaires du mouvement

Ce bouleversement du côté des éditeurs contraste fortement avec ce que l’on observe dans les sociétés de services.
Là où les logiciels font face à une montée en pression concurrentielle, les acteurs de services, eux, disposent d’un terrain particulièrement favorable pour capter les gains générés par l’IA. Les leviers, les rythmes et les impacts ne sont donc pas les mêmes, et c’est précisément ce qui crée cette forte dissymétrie entre les deux univers.

Les sociétés de services sont probablement les mieux placées pour bénéficier des gains de productivité générés par l’IA.
Lorsqu’elle vient amplifier une expertise humaine et non la remplacer alors l’IA permet d’accélérer les opérations, de fluidifier les parcours clients, d’augmenter la capacité d’absorption et de libérer du temps pour des tâches à plus forte valeur.

Une transformation particulièrement pertinente où l’IA devient un avantage décisif opérationnel et financier dans un contexte de tension sur les recrutements et de complexification des chaînes opérationnelles.

Les pièges à éviter absolument

Plusieurs pièges reviennent systématiquement :

  • Le FOMO IA : se lancer par peur d’être en retard, sans usage clair → adoption nulle, ROI nul.
  • L’ambition démesurée : viser un modèle sophistiqué alors que les bases de données ne sont pas prêtes.
  • La focalisation sur l’outil : l’IA n’est pas un logiciel mais un processus organisationnel.
  • La fascination pour les LLMs : ils ne sont pas la solution à tous les problèmes, et d’autres types d’IA plus classiques sont parfois bien plus adaptés.

Les bonnes approches restent simples : automatiser les tâches répétitives, fiabiliser la donnée, augmenter les équipes plutôt que les remplacer.

Les clés de succès observées de notre prisme d’investisseur

Les PME qui réussissent réellement leur transition IA partagent trois marqueurs communs.

Un dirigeant pleinement impliqué.
L’IA ne peut pas être un projet périphérique. Elle touche au produit, aux processus, à l’organisation et parfois au modèle économique. Elle nécessite un leadership clair. Lorsque le dirigeant porte le sujet, l’IA devient un levier stratégique, pas un gadget.

Une approche résolument ROIste.
Les projets IA performants commencent par un cas d’usage simple, mesurable, rapidement valorisable. Les entreprises fixent des indicateurs, quantifient les gains, challengent les coûts et évitent les projets qui dérivent.

Une structuration progressive de l’organisation.
Les entreprises avancées identifient des référents internes, sécurisent leur donnée, capitalisent sur leurs succès et construisent une trajectoire cohérente plutôt qu’une accumulation d’outils.

C’est cette combinaison leadership / ROI / structure qui transforme l’IA d’un gadget en source durable de création de valeur.

L’IA, multiplicateur de valeur… sous condition

L’IA peut faire monter une valorisation lorsqu’elle renforce la performance opérationnelle, la qualité du service ou l’excellence métier.
Elle peut aussi la faire chuter lorsqu’elle révèle une dépendance excessive aux outils, un retard technologique ou l’obsolescence d’un produit.

L’IA n’est ni une menace, ni une solution miracle mais un multiplicateur, elle amplifie ce qui existe déjà.

Au-delà des outils, cette transition ouvre de nouveaux enjeux de fond :

  • Comment intégrer l’IA sans standardiser son offre ni diluer sa différenciation ?
  • Jusqu’où automatiser sans fragiliser l’intelligence métier ?
  • Comment évaluer objectivement la maturité IA dans un process d’investissement ?
  • Et surtout : quels modèles émergeront demain entre entreprises nativement IA et entreprises “augmentées” par l’IA ?

L’enjeu à date n’est plus de suivre la tendance.
L’enjeu est de choisir, consciemment, la trajectoire technologique qui renforcera durablement la valeur stratégique de l’entreprise.

A toutes les PMEs, à vous de jouer !